Qu’est-ce qu’un orgue ?

Voir le document synthétique qu’Isabelle Sebah a réalisé pour Art, Culture et Foi ainsi que pour les très courus Marathons de l’Association Paris les Orgues.

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Un orgue est composé de plusieurs séries de tuyaux (1 tuyau par touche du clavier ou du pédalier), que l’on appelle un « jeu d’orgue ».

Jeux d’orgue

Chaque jeu représente l’équivalent d’un instrument de musique : les tuyaux d’un même jeu sont en effet fabriqués avec le même matériau, sont de la même forme entre eux, et leurs dimensions sont harmonieusement proportionnées. Bien sûr, les grands tuyaux ont les sons les plus graves et les plus petits sont aigus.

Un jeu d’orgue, c’est une grande flûte de pan.

Clairon de pédale

La forme des tuyaux détermine leur timbre. Il en existe des dizaines possibles.

Pour des claviers de 56 notes (selon les orgues, le nombre de touches par clavier peut varier considérablement entre 25 et 61…), un seul jeu d’orgue contient donc 56 tuyaux (il existe aussi des jeux multiples qui ont plusieurs fois 56 tuyaux à eux tout seuls). Pour le pédalier qui n’a souvent que 30 notes, 30 tuyaux suffisent, mais ce sont souvent les plus gros.

Tuyaux-internes

Le grand orgue de Pentemont avant restauration comportait 32 jeux : 25 pour les claviers (soit 25×56= 1400 tuyaux, et même passablement plus grâce aux jeux multiples) et 7 pour le pédalier (7×30= 210 tuyaux). En tout, cela faisait près de 2000 tuyaux à restaurer ou reconstruire.

Tous les tuyaux sont faits à la main, et il y a des centaines de façons de faire… pas étonnant que tous les orgues soient différents entre eux. Chacun est une pièce unique, et ça complique bien la vie de ses utilisateurs (mais quelle richesse !).

La transmission

Pour relier les touches des claviers ou du pédalier aux tuyaux, tout un réseau de transmission mécanique doit être élaboré.

Transmission -Pentemontjpgabrégé-interne

La soufflerie

Porte-vent et gosier

Autrefois, avant l’invention du courant électrique, il fallait l’aide de pompeurs.

L’orgue étant un instrument à vent et nécessitant de faire passer de l’air dans les tuyaux, c’est un moteur électrique qui va envoyer de l’air sous pression, d’abord dans des réservoirs, puis dans un réseau de porte-vent (voir ci-contre) pour acheminer l’air sous pression au pied des tuyaux et les fera sonner.

Principe général

Les divers jeux (séries de tuyaux) sont souvent implantés sur plusieurs étages (souvent 1 par clavier y compris celui du pédalier). Chaque jeu est relié à un seul clavier. Le nombre de claviers peut varier de 1 à 8 (1 à 5 en France), mais un minimum de 2 est indispensable pour aborder une bonne partie du répertoire.

Ci-dessous un schéma de principe d’un orgue (ici avec 3 claviers et sans que les jeux de pédale y figurent) :

Shéma de principe d'un orgue
Extrait de l’ouvrage « l’Orgue et l’Organiste, une complicité tumultueuse »

Les tuyaux sont plantés sur des sommiers, grandes caisses creuses en bois où de l’air sous pression est emprisonné (appelées des layes). Au-dessus des layes, le sommiers est divisé en autant de rigoles hermétiques (appelées gravures) qu’il y a de soupapes, c’est-à-dire de notes sur le clavier correspondant. L’air est libéré lorsqu’une touche est enfoncée et donc que la soupape correspondante a basculé en position ouverte :

croquis-orgue

L’air de la laye s’échappe alors vers le haut et alimente les tuyaux qui sont à la fois rangés dans la gravure alimentée par la soupape ouverte et dont le pied n’est pas obstrué par le registre coulissant (donc dont le registre est ouvert).

Le choix des sonorités

Une console
Une console d’orgue (le cockpit de l’organiste). Ici, avec 4 claviers, un pédalier assez ancien et des tirants de registres de part et d’autre.

On ne fait pas sonner tous les jeux en même temps, ce serait toujours très fort et sans nuances.
Chaque clavier a ses propres jeux, et l’organiste doit sélectionner ceux qu’il veut faire entendre sur chaque plan sonore. Il se sert pour cela des tirants de registres (1 tirant par jeu) :

tirants de registres

Ces tirants permettent soit de boucher (tirant poussé), soit de libérer (tirant tiré) les pieds des tuyaux de leur jeu.
Si n tirants (sur un même clavier) sont tirés, n tuyaux sonneront à chaque enfoncement d’une touche de ce clavier. On entendra donc la même note jouée n fois, avec des timbres différents. C’est le mélange de toutes ces sonorités que l’organiste doit choisir (et rien n’est marqué sur les partitions !).

L’orgue est souvent muni d’accessoires supplémentaires : des mécanismes permettent d’accrocher les claviers supérieurs sur les claviers inférieurs (à la demande) afin d’additionner les jeux des claviers ainsi accouplés (du coup, les touches correspondantes des claviers supérieurs accouplés vont s’enfoncer aussi lorsque l’organiste va jouer sur le clavier inférieur, rendant par là le toucher beaucoup plus lourd sous les doigts).

Les accessoires d’accroche de claviers entre eux (ou vers le pédalier, auquel cas, on les appelle des tirasses) se présentent sous forme de pédales à 2 positions, au-dessus du pédalier :

Pédalier et cuillers

En utilisant toutes les tirasses disponibles et en mettant un maximum de jeux à tous les claviers (et en y ajoutant tous les jeux de pédale tant qu’à faire), l’organiste peut jouer très fort seulement avec ses pieds et en gardant les mains dans les poches !

Nombre de combinaisons de sonorités possibles

Les sonorités d’un orgue sont multiples, et bien plus qu’on ne le pense : sur un orgue de 4 jeux par exemple (donc pour un tout petit orgue de salon), il y a déjà 15 façons différentes de le faire sonner. En effet, on peut mettre les 4 jeux tout seuls (4 choix), ou par 2 (6 choix), ou par 3 (4 choix), ou tous les 4 ensemble (1 choix), ce qui fait bien 15 possibilités différentes.

Les mathématiciens calculent (par récurrence) que pour n jeux, il y a2puissance-n moins 1 possibilités.

Pour un orgue de 32 jeux par exemple, cela fait

2puissance32 moins 1possibilités, soit 4 294 967 295 combinaisons possibles, plus de 4 milliards !

Imaginez à Notre-Dame de Paris, où réside le plus grand orgue de France, avec ses 112 jeux (ou à Salt Lake City, où ils ont construit un monstre de plus de 400 jeux sur 8 claviers) !!!

Bon, beaucoup n’ont aucun intérêt musical, et puis les jeux de pédale ne peuvent pas être accessibles pour les mains, ce calcul n’est que théorique. Mais plusieurs milliers de combinaisons, c’est sûr, même avec seulement une petite trentaine de jeux…

La registration

Et voilà le grand travail de l’organiste : choisir les sonorités au fur et à mesure des pièces qu’il va jouer sur un orgue donné. Il va donc créer lui-même son orchestration, que l’on appelle la registration à l’orgue. Comme tous les orgues sont différents entre eux, la plupart des partitions ne donnent aucune indication (et parfois, même pas s’il faut jouer fort ou doucement !) et l’organiste va devoir tout inventer, et bien sûr tout recommencer dès lors qu’il joue le même programme ailleurs. Et quand on sait qu’un concert d’une heure peut demander plusieurs centaines de choix parmi des milliers possibles, on comprend pourquoi les organistes demandent toujours d’avoir beaucoup de temps pour préparer un concert quelque part… sans compter que l’ergonomie des instruments n’est pas toujours confortable…

Pour en savoir (bien) plus